Texte de l’AssemblĂ©e d’habitants de Reynerie

Texte de l’AssemblĂ©e des habitants suite au meurtre de Nahel

C’EST L’ETAT QUI ABANDONNE LES ENFANTS ET LES JEUNES,
PAS LES PARENTS !


Nous nous adressons à tout le monde en tant qu’habitants du pays, en tant que parents, et pour une
grande part d’entre nous, nous habitons le quartier de la Reynerie, au Mirail, à Toulouse
Tout le monde a pu voir l’exĂ©cution de Nahel, un jeune de 17 ans, par un policier.
Que cela rĂ©volte beaucoup de gens, dont de nombreux jeunes, n’a rien d’étonnant, et c’est justifiĂ© :
on ne peut pas banaliser de telles pratiques criminelles, vivre avec, les accepter comme une
fatalitĂ©. Ou alors il nous faut accepter de vivre dans un pays oĂč la vie humaine, la vie de certains, ne
vaut plus rien. Ce Ă  quoi nous nous refusons car pour nous, une vie = une vie ; tout meurtre, tout
assassinat doit ĂȘtre reconnu et puni.
Afin d’éviter ce dĂ©bat de fond le gouvernement a fait le choix d’accuser « les parents d’ĂȘtre
irresponsables », ce qui est indigne, retors, mensonger et dangereux.
Depuis des annĂ©es l’Etat a abandonnĂ© toute politique de prise en compte de nombreux jeunes.
Cela se donne par un abandon de la prĂ©vention : de moins en moins d’éducateurs pour les enfants en
difficultĂ© ; la fermeture des dispositifs spĂ©cialisĂ©s Ă  l’école (RASED, Education prioritaire..), la
fermeture des établissements de proximité (les 2 collÚges du Mirail, prÚs de 1000 élÚves), des délais
de plus d’un an pour un rendez-vous en pĂ©dopsychiatrie, ou chez l’orthophoniste, des exclusions
d’établissements scolaires Ă  la pelle, des Ă©lĂšves dĂ©scolarisĂ©s, sans affectation, des profs absents des
mois sans remplacement, et cela souvent en CM2, classe importante 
;
En mĂȘme temps, l’état a choisi de laisser et d’encourager la police Ă  humilier certains jeunes en les
contrĂŽlant de maniĂšre incessante. Il est allĂ© jusqu’à inventer, aidĂ© par des sociologues peu
scrupuleux, la catégorie de « jeunes de banlieues », de milliers de jeunes présentés comme un
groupe « dangereux », « un ennemi intĂ©rieur », Ă  cibler, contrĂŽler, mater, comme s’ils Ă©taient tous
pareils et différents des autres jeunes du pays. Cela ne peut rien donner de bon ! DerniÚre pratique
de persécution à leur encontre : dans certaines villes comme Toulouse, les services de police ont
demandĂ© Ă  ficher les Ă©lĂšves absents le jour de l’AĂŻd !
Dans le mĂȘme temps de nombreux parents, de nombreux adultes ont travaillĂ© Ă  endiguer
toutes les conséquences de cette mauvaise politique. De nombreuses mamans se sont engagées
pour que leurs enfants ne dĂ©crochent pas Ă  l’école et rĂ©ussissent : ici elles se sont battues pour
garder un collÚge de proximité ; pour garder les dispositifs REP et les Rased ; pour que les
enseignants manquants soient remplacĂ©s
 ; elles ont repoussĂ© elles-mĂȘmes des lieux de deal trop
prĂšs des Ă©coles et n’ont Ă©tĂ© que bien tard relayĂ©es par les services du rectorat et de la police ; des
adultes ont été présents durant les émeutes de 1998 et 2005 pour calmer les choses avec la police ;
de nombreux habitants se battent pour ne pas ĂȘtre dĂ©logĂ©s de leurs appartements, afin de ne pas
perdre tous les liens de solidaritĂ© qu’ils ont crĂ©Ă©s, et afin que leurs enfants ne perdent pas du jour au
lendemain touts leurs points de repùre etc

Alors de quel abandon parle le gouvernement ? Il n’a trouvĂ© que cela pour masquer son propre
abandon ? Nous ne sommes pas dupes et nous ne laisserons pas dire de tels mensonges.
L’Etat ne propose à nos jeunes que 2 choses : le deal et/ou une balle dans la peau !
Ni l’un ni l’autre ! : Ce que nous voulons, ce que nous portons, c’est l’avenir de nos enfants,
l’avenir de ce pays qui doit ĂȘtre un pays pour tous ceux qui y vivent.

  • Nous voulons que chaque enfant, chaque jeune soit pris en compte, considĂ©rĂ© non pas
    comme un adulte miniature, mais comme un enfant ou un jeune, c’est Ă  dire un ĂȘtre en
    devenir, en formation, et ce avec tous les dispositifs qui doivent en découler : par exemple il
    faut un Ă©ducateur par Ă©tablissement, par Ă©cole.
  • Il faut une Ă©cole qui ne laisse aucun enfant sur le bord de la route, qui donne Ă  chaque Ă©lĂšve
    tous les cours auxquels il a droit, par des enseignants qualifiĂ©s, et permet Ă  chacun d’ĂȘtre en
    réussite. Pas cette école du tri, qui met des enfants en échec, et éjecte du systÚme scolaire ,
    sans filet de rattrapage, tous ceux que leurs parents ne peuvent pas aider.
  • Le gouvernement doit sanctionner les syndicats de policiers qui traitent les jeunes de
    « nuisibles, d’ennemis » : soit il se couche devant eux et adhĂšre Ă  leur propos, soit il montre
    qu’il a un rĂ©el souci de la jeunesse.
  • Nous devons ĂȘtre attentifs et crĂ©er des liens de solidaritĂ© avec les familles qui peuvent avoir
    besoin d’aide dans les semaines qui viennent suite Ă  des procĂ©dures judiciaires contre leurs
    enfants.
  • Depuis plus de 5 ans maintenant avec le mouvement des Gilets Jaunes a commencĂ© Ă 
    s’exprimer en France une volontĂ© de justice, de droits, de respect des gens et de leur vie
    (cela s’est poursuivi pendant la Covid oĂč des points de solidaritĂ© ont Ă©tĂ© portĂ©s, puis
    pendant le mouvement des retraites, et dans certaines mobilisations comme celles pour que
    l’eau reste un bien commun à tous, et maintenant pour qu’il y ait justice pour Nahel et que
    les policiers n’aient plus ce permis de tuer). Essayons de suivre ce fil ! Pour cela, tous ceux
    qui ont une idĂ©e positive de ce pays, qui veulent qu’il soit celui de tous ceux qui l’habitent
    peuvent se rĂ©unir et rĂ©flĂ©chir avec d’autres, Ă  comment y arriver.
    L’AssemblĂ©e d’Habitants de Reynerie
    Toulouse, le 03/07/2023

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